Par Jade Paré, candidate au doctorat en psychologie, et Daphney Drapeau-Létourneau, éducatrice spécialisée à la Boite à psy
Plusieurs parents se présentent à notre clinique avec la perception que leur adolescent est « renfermé » et « peu bavard ». Une partie d’entre eux se culpabilisent de ne pas avoir assez de doigté ou de talent de détective pour parvenir à connaitre leur ado autant qu’ils le souhaiteraient, tandis que d’autres se sentent impuissants devant le manque de réciprocité reçu pendant l’heure du repas.
Ce n’est pas rare que des parents nous rapportent « mon ado ne me parle pas », « j’essaie vraiment fort d’en connaitre plus sur sa vie et je lui pose des questions sur le déroulement de sa journée, mais les deux seules réponses que j’obtiens sont je ne me rappelle plus ou bien je ne sais pas » ou encore « on doit vraiment lui tirer les vers du nez pour qu’il/elle discute avec nous ».
À ces parents particulièrement, mais également à tous les parents dont les enfants sont peu bavards, ce sont parfois dans des moments où on s’y attend le moins que nos enfants ont envie de s’ouvrir à nous. On vous propose donc de laisser de côté vos habiletés de détective et d’interrogatoire pour faire place à votre imagination et ainsi créer des occasions qui l’emmèneraient à se sentir à l’aise de s’ouvrir par lui/elle-même.
Les activités proposées peuvent sembler banales à première vue, mais l’élément central de ces suggestions est qu’elles doivent être investies dans l’intérêt du parent ET de l’ado. Ce faisant, l’ado ne sentira pas une pression de se soumettre à vos idées d’activités parce qu’il sait que vous le faites uniquement pour lui faire plaisir, et d’autre part, vous serez aussi engagé émotionnellement et percevrez donc moins ces moments comme un « devoir » et une « obligation » de parent.
- Discuter pendant un trajet de voiture
- Faire équipe dans un jeu d’évasion
- Pratiquer un sport dont l’intérêt est partagé en duo (ex. : faire des figures de yoga acrobatique, faire du jogging, skier, suivre des cours d’autodéfense, faire de la planche à roulettes/patins à roues alignée, faire une balade à vélo)
- Initier l’ado à un pool de hockey
- Aller faire de l’escalade en blocs
- Se défier mutuellement par des « tu n’es pas game de…» ou faire des concours spontanés (*oui, il va falloir laisser la peur du ridicule de côté, mais ça vaut vraiment la peine*)
- « OK, quand le manège va débuter, c’est celui qui criera le plus fort qui gagne. L’autre va devoir aller faire la file pour la crème glacée. »
- « OK, à partir de maintenant, on doit saluer tous les autres bateaux qu’on croisera sur le lac. »
- Être de connivence pour faire des mauvais coups aux autres membres de la famille
- Offrir à l’ado d’aller chercher ses amis ou les reconduire après une partie sportive ou un évènement (*oui oui, même s’il est très tard, ça vous permettra de faire partie de son groupe et votre ado sentira que vous vous intéressez*)
- Assister à des concerts de musique, des parties sportives ou des spectacles d’humour
- Prendre rendez-vous ensemble pour une manucure, une coiffure ou autre
- Faire une journée au spa
- Travailler la mécanique automobile
- Faire une tâche complexe ensemble (ex. : assembler un meuble, peinturer un balcon, etc.).
- Redécorer, redisposer ou repeindre la chambre de l’ado
- Proposer une nuit blanche
- Cuisiner ou organiser une thématique compétitive d’Un souper presque parfait
- Suivre un cours de musique ou de danse
- S’inventer un groupe de musique
- Faire des activités de création (dessin, peinture, etc.)
MISE EN GARDE ! En proposant des activités à l’ado, on accepte qu’il se puisse que l’offre soit refusée, malgré toutes nos bonnes intentions. Une activité pourrait très bien être appréciée par un ado et une autre pourrait paraitre ridicule aux yeux d’un autre. Vous connaissez votre ado mieux que personne, mais il est essentiel de se rappeler que même si nous avons une forte préférence pour les discussions de type question-réponse autour d’un repas ou dans la voiture après une journée d’école, l’ado a peut-être horreur de ces moments qui le mettent sous les projecteurs de toute la famille. Bien que cela fonctionne pour certains ados, plusieurs de nos jeunes clients nous avouent détester ces moments.
Une stratégie qui peut également s’avérer efficace est la planification de moments de discussions régis par une seule règle : aucun jugement, aucune critique, aucun blâme et beaucoup d’écoute ! Certes, le rôle de parent consiste à guider les enfants en leur montrant les bonnes conduites, donc il sera souvent nécessaire d’imposer des limites ou de tenir un discours moralisateur. Cependant, il n’est pas rare qu’on observe des ados qui admettent se sentir constamment jugés, à tort ou à raison, peu importe ce qu’ils disent. Prévoir ce genre de moments, sans jugement, pourrait renverser cette perception, de même que renforcer leur ouverture à vous. Finalement, tel que le disait très bien notre chère psy Ariane Hébert dans une conférence sur les adolescents lorsqu’elle abordait la relation parent-ado, « l’idée n’est peut-être pas de les convaincre à tout prix, mais plutôt de leur offrir de bons outils et les guider. »
Après tout, même les meilleurs athlètes ont besoin d’un coach !