COVID-19 ; C’est aujourd’hui que j’ai craqué…

05 Avr

Aujourd’hui j’ai pleuré. C’était la première fois depuis le début de la crise. J’étais là, seule, encore en pyjama, la couette bien ébouriffée et le tuyau de l’aspirateur dans la main droite. Le p’tit était parti chasser des Pokémon avec papa, pendant que ma grande habillait virtuellement des Barbie à l’aide de quelques clics.

J’agitais vigoureusement l’appareil sur le plancher quand ça m’a frappée de plein fouet. Comme un coup de pelle dans face : le 4 mai. C’est à cette -nouvelle- date que notre premier ministre a annoncé que les entreprises pourraient reprendre leurs activités. Lui et son équipe ont leurs raisons, qui sont sans doute les bonnes, mais dans ma petite tête de madame-tout-le-monde, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Encore un mois d’incertitude. Minimum un mois.

Je n’ai pas pleuré quand j’ai dû annuler notre voyage en Californie prévu en juin, non plus quand nous avons dû appeler la caisse pour cesser temporairement nos paiements hypothécaires ou quand j’ai cliqué sur « envoyer » pour acheminer ma première demande d’assurance-emploi.

« Le 4 mai » résonnait dans ma tête comme une tonne de briques : comment faire pour vivre un mois sans mon plein salaire? Est-ce que les enfants recommenceront l’école en mai? Si je recommence à travailler, mais que l’école n’est pas ouverte, comment faire? Et si j’attrapais le virus, où est-ce que je pourrais m’isoler? Comment la société va-t-elle faire pour se remettre d’une telle crise?

« Vivre ici et maintenant », que je me dis depuis que le monde entier retient son souffle. Ça avait marché jusque-là. Rester à la maison avec les petits, courir en plein milieu d’une journée de la semaine ensoleillée et cuisiner des biscuits un mardi midi juste parce que ça ferait plaisir au p’tit, c’était pas un confinement pour moi, c’était un aperçu du paradis.

Pis, avec ma balayeuse dans les mains, j’ai pleuré. Mais pas juste à cause de mes craintes à moi. J’ai pensé aux futures mamans le ventre bien rond qui arrivent seules à l’hôpital, aux dirigeants d’entreprise qui multiplient les innovations depuis des semaines afin d’éviter de mettre la clé sous la porte, aux enseignants qui ont quitté leurs élèves un jeudi après-midi en ne sachant pas que la fin de semaine serait plus longue que prévu, aux infirmières et médecins qui enfilent les quarts de travail sans relâche, aux caissières d’épicerie qui frissonnent quand le client de leur file se met à tousser, à toutes ces personnes âgées qui sont cloîtrées dans leur minuscule appartement, à ces familles dans le besoin qui se demandent comment elles paieront leur prochain mois de loyer…

Là, mon chum est rentré avec le p’tit. Il souriait. La chasse avait été fructueuse. Il m’a demandé de lui faire des biscuits aux pépites de chocolat. Je n’étais plus certaine d’avoir encore de la farine. Mais j’ai dit oui. J’allais trouver une solution. Il y a toujours une solution.

« Vivre ici et maintenant ». Faut que je garde le cap. Il faut que tout le monde garde le cap pour que l’infirmière, la caissière, le préposé aux bénéficiaires, l’entrepreneur et tous les autres qui rament de toutes leurs forces ne le fassent pas en vain.