«J’ai passé un temps des fêtes franchement moche…»

05 Jan

Par Jade Paré, candidate au doctorat en psychologie et intervenante à la Boite à psy

 

J’écris ce blog enfermée dans mon bureau à domicile, café à la main après seulement quelques jours de congé pour les fêtes, et je me sens déjà épuisée de mes supposées « vacances ». Quatre jours, pour être exacte…elles ont débuté il y a seulement quatre jours.

La vérité c’est qu’aujourd’hui, je me sens épuisée des trop nombreux échanges entretenus vigoureusement avec les membres de ma famille quant à nos divergences d’opinions.

Épuisée d’avoir l’impression de me faire juger ou d’être perçue comme étant la pire des insécures au moindre commentaire que j’émets au sujet des mesures préventives, tentant désespérément d’être prudente.

Épuisée de ma constante vigilance envers ma propre condition de santé et celle des autres.

Épuisée de ma méfiance envers toutes les personnes que je côtoie.

Épuisée de ma peur de contaminer les gens qui me sont les plus chers.

Cette année, je travaille à traverser le deuil d’avoir eu un temps des fêtes comme je l’aurais souhaité. Aucune photo tendre publiée sur les réseaux sociaux devant le sapin décoré ni de jeux rigolos où je me permets de rire à chaudes larmes des gens les plus vieux de mon entourage, ni même la moindre présence d’esprit des fêtes… Je n’ai même pas emballé de gâteries gourmandes à mon chien ni fait de vidéoconférence avec ma grand-mère (bon, je l’ai appelée; je n’ai quand même pas perdu mon cœur).

L’an dernier, j’avais l’impression d’être en état d’« adaptation » et en « mode-solutions » ; je maintenais le cap en générant toutes sortes d’idées originales pour que cette période de l’année ressemble du plus près possible à nos habitudes. J’étais alors motivée à organiser des « partys virtuels » avec mes amis, cuisiner des petits biscuits décorés de Noël, aller porter les cadeaux à mes proches sur leur perron alors que nous étions en confinement et côtoyer mon entourage lors de balades que je planifiais en forêt (en respectant les mesures, évidemment) … C’était différent, mais j’y trouvais mon compte.

Cette année, c’était un temps des fêtes encore plus différent. Aujourd’hui, je suis confrontée à la réalisation que mes capacités d’adaptation ont des limites.

Les mauvaises nouvelles s’enchaînant les unes après les autres, je suis forcée d’admettre que la situation ne s’améliore pas et que nous ne sommes pas près de retrouver nos vies d’avant 2020. Pendant que certains ont probablement réussi à fêter le temps des fêtes presque fidèlement à leurs habitudes pré-pandémiques, d’autres sont contraints de s’isoler dans leur domicile, de même que vider des boîtes de mouchoirs ainsi que les sirops et pastilles pour la toux.

Même si mon travail consiste principalement à aider les gens à aller mieux, j’admets qu’en cette période loin d’être festive, j’ai l’impression d’avoir épuisé mon répertoire de bonnes intentions et d’idées originales ou compensatoires. Même l’agitation interne que j’entretiens (probablement dû au fait que j’ai été clouée au lit pendant quelques jours à ne rien faire) ne parvient pas à m’activer et me mobiliser suffisamment pour enfin accomplir cette fameuse « to-do list » de vacances que j’ai rédigé un peu avant que le chaos s’installe chez moi.

Au début de la pandémie, on rassurait nos enfants en leur disant que s’ils agissaient prudemment (en se lavant les mains souvent et en gardant des distances, par exemple), il y avait très peu de chances qu’ils attrapent le virus. À ce jour, la vérité c’est que même si tu fais très attention, tu risques de l’attraper. Et cette vérité fait mal parce qu’étant prévoyante et toujours « en contrôle de tout », c’est déstabilisant de constater que peu importe ce qui est tenté pour éviter le pire, le pire pourrait arriver quand même. On se rassurait aussi entre nous en se rappelant que la situation serait temporaire et que bien vite, nous retrouverons nos habitudes… Mais une fois de plus, notre expérience des derniers mois nous a prouvé que ce serait effectivement temporaire, mais à plus long terme qu’on s’y attendait.

Personnellement, je trouve beaucoup plus simple de cesser de réfléchir aux choses potentiellement positives dans la situation pour plutôt admettre le négatif ; ça m’épuise tout simplement moins.

On ne se ment plus, OK?

C’est difficile d’être énergique lorsqu’on est malade, non? C’est difficile d’être optimiste lorsqu’on regarde les statistiques à la télévision, non? C’est difficile d’être super excité de revoir ses collègues de travail ou de retourner à l’école après les congés des fêtes sachant que les risques sont partout, non?

C’est difficile d’être heureux ces temps-ci, avouons-le.

Pas impossible, mais pas évident non plus.

Pour ma part, ma quête du bonheur s’est officiellement terminée en écrivant ces lignes et je suis plus en paix en disant que pendant mes jours de vacances, je ne serai pas parvenue à la trouver, cette réjouissance qui accompagne habituellement le temps des fêtes. Bien honnêtement, je suis sereine avec cet état d’esprit. Lorsque nous entretenons des pensées ou des émotions malheureuses, nous sommes trop souvent tentés, à tort, de nous blâmer ou de nous reprocher d’être faibles ou stupides. Par contre, nos expériences étant toutes uniques, certaines engendrent évidemment des émotions négatives…Même les projets les plus excitants de notre vie, nos amours et nos amitiés les plus fortes nous causent parfois du tort, de la souffrance ou du stress, et pourtant on les accepte.

Pour finir, voici les quelques paroles (pas sages du tout) qui m’aident à accepter les choses telles qu’elles sont.

Je ne peux pas contrôler ce qui m’arrive ; certaines choses demeurent hors de mon contrôle. Je peux cependant toujours contrôler le regard que j’y porte et mes réactions.

C’est normal de me sentir découragée, fâchée et épuisée. J’ai le droit de ne pas avoir le cœur à la fête.

J’accepte que mon Noël 2021 ait été très moche et je me souviendrai de lui comme ayant été teinté de disputes, de solitude et d’inquiétudes. Même si je suis déçue, je suis prête à l’accepter comme tel.

Un auteur que j’aime bien, Mark Manson, résumait aussi dans un ouvrage « Même si envisager systématiquement le bon côté des choses revêt bien des avantages, la vérité vraie, c’est que la vie est parfois juste nulle à chier, et que le plus sain est encore de l’admettre. »

Sur ce, je m’en vais prendre l’air, parce que c’est ce que j’ai envie de faire et parce que j’en ai besoin!