par Jade Paré, candidate au doctorat en psychologie
Avez-vous déjà entendu parler des mots étiquettes???
Un mot étiquette, c’est le nom que nous donnons à une caractéristique attribuée à l’enfant pour décrire son comportement dans une certaine situation. On considère que c’est un mot étiquette quand il est de nature très générale et qu’il s’applique donc dans plusieurs autres situations.
Par exemple, une mère a déjà dit à son fils, qui venait d’échapper une flatulence dans notre salle d’attente;
« Tu as pété ; t’es pas gentil, franchement ! »
Dans cette situation, on s’imagine que la mère a pu éprouver de la gêne ou de la honte face à cet accident, mais les mots utilisés (« pas gentil ») sont à proscrire, puisque l’enfant pourrait intégrer cette perception de lui comme étant quelqu’un de « pas gentil ». En d’autres mots, l’enfant pourrait penser que cette action ou erreur qu’il aurait commise est représentative de sa personnalité, alors qu’on essaie d’apprendre tout le contraire à nos enfants. Cela semble peut-être évident pour certains, mais même les meilleurs parents échappent parfois ce type d’interventions, et il va de soi que l’estime de soi de l’enfant peut en être affectée.
Il est plutôt important, lorsqu’on veut intervenir auprès de l’enfant, de le faire en utilisant des termes descriptifs et observables, ou du moins temporaires, tout en expliquant à l’enfant pourquoi nous ne sommes pas en accord. Pour décrire le comportement que nous désirons voir disparaitre, on ne devrait pas faire d’interprétation sur ce qu’on a vu, mais plutôt décrire les faits.
L’essentiel est également de ne pas attribuer la caractéristique à l’enfant, mais plutôt au GESTE, afin que l’enfant se distingue bien de son comportement et qu’il intègre que ce n’est pas lui qui est « méchant », mais plus le geste qu’il a choisi de commettre.
× « Tu n’as pas toussé dans ton coude ; tu es malpoli ! »
× « Arrête de bouger, t’es pas gentil avec la Madame coiffeuse ! »
√ « Tu as frappé ta sœur et je n’accepte pas ce comportement. »
√ « Le fait que tu bouges constamment est peut-être dérangeant pour la coiffeuse. »
Somme toute, on suggère de nommer « ce comportement n’est pas accepté sous notre toit », « nous ne sommes pas d’accord avec cette décision » ou encore « on ne fait pas ça parce que ça blesse des gens ». On pourrait tout autant justifier notre critique en nommant simplement à l’enfant « je n’apprécie pas ».
Le piège des mots étiquettes positifs
Même s’il est vrai que les mots étiquettes résonnent particulièrement lorsqu’ils sont négatifs, il nous arrive aussi d’observer les impacts de mots étiquettes positifs sur le comportement de l’enfant. Un mot étiquette positif pourrait se traduire comme ceci : bon, intelligent, etc.
De la même façon que les mots étiquettes négatifs, dire à l’enfant qu’il est « bon » ou « tellement intelligent » peut l’amener à intégrer cette caractéristique à plus long terme et croire qu’elle fait partie de lui, est stable et générale. Par exemple, nous avons déjà entendu un enfant nous dire « Je suis bon hein? » alors qu’il faisait simplement attacher ses lacets à l’âge de 8 ans. Un autre nous a déjà lancé « moi je suis intelligent parce que l’autre fois j’ai remarqué que ma maman avait changé de lunettes! ». Dans ces cas, l’enfant a intégré les paroles de ses parents, qui l’ont probablement qualifié comme « bon » et « intelligent » dans des situations spécifiques, puis il transpose cette perception de lui dans d’autres contextes. À première vue, cela semble provenir d’une bonne intention, mais en approfondissant la réflexion, on peut s’imaginer que cette conception figée de lui pourrait lui nuire dans d’autres contextes. Par exemple, on observe parfois un jeune, qui se sent très « bon » ou « intelligent », devenir facilement contrarié devant l’échec ou les difficultés, être sensible à la critique ou susceptible face à certains commentaires, ce qui pourrait éventuellement nuire à son estime de soi.
**Et ce, presque autant qu’avec les mots étiquettes négatifs.**
Cela étant, nous suggérons toujours d’établir le commentaire sur ce qui est observable plutôt que sur une généralisation interprétée. Plutôt que de dire à son enfant qui aurait réussi le premier numéro (de 10) de son devoir de math « t’es bon, ne lâches pas ! », on pourrait lui dire « tu as réussi le premier numéro, continue tes efforts ! ». Dans le premier exemple, il y aurait un risque que l’enfant devienne, pour ce devoir, dépendant à la rétroaction de l’adulte ou encore qu’il se décourage plus vite pour les numéros futurs lorsque des difficultés se présenteront.
Si l’enfant éprouve des difficultés et qu’il parvient à réussir un numéro de son devoir avec son aide, on devrait éviter de lui dire « Bravo, tu vois comme tu es bon? » et plutôt miser sur les efforts en nommant « je suis fière de toi parce que ce n’était pas facile pour toi, mais tu as persévéré et demandé de l’aide et on y est arrivé! ».
L’objectif de l’intervention est d’aider l’enfant à développer une certaine flexibilité, afin qu’il puisse admettre ses défauts, difficultés ou défis, mais en étant tout aussi conscient de ses forces et qualités afin de bâtir son estime et avoir confiance en ses moyens.
Les mots étiquettes doivent être repérés en s’auto-observant, tant lorsque vous tenter de complimenter ou d’encourager votre jeune que dans des contextes de représailles.
Et vous, chers parents, comment vous sentiriez-vous si votre meilleur(e) ami(e) vous disait, après que vous ayez oublié de répondre à un texto, « t’es ben poche, comme ami » ?…
Article à venir : Les commentaires des parents ; parfois banaux, parfois à l’origine de préoccupations importantes chez l’enfant et qui ne passent pas inaperçus